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vendredi 23 août 2013

« Wanderer » de Sterling Hayden (1963)

De quoi un homme a-t-il besoin… vraiment ? Quelques kilos de bouffe chaque jour, un abri, de la chaleur, deux mètres où s’allonger… et un boulot qui lui donnera l’impression de faire quelque chose de sa vie. C’est tout… sur le plan matériel. Nous le savons tous. Mais notre système économique nous lave le cerveau jusqu’à ce que nous nous retrouvions sous une pyramide de dettes, d’hypothèques, de gadgets grotesques et de joujoux qui détournent notre attention de la bêtise absurde de cette parodie (…) Quelle réponse à cela ? Le libre arbitre. Que préférez-vous : la faillite financière ou la faillite de votre vie ?

Je pensais que les hommes d’affaires étaient des gens intelligents. Mais ce n’est pas vraiment le cas. Ils sont juste motivés et impitoyables. Ce sont les vautours d’une société cannibale.

Un bateau n’a rien d’une démocratie. On n’y organise pas de référendum sur la destination, pas plus que sur la diminution de la voilure.

Je découvris que les livres et la mer avaient beaucoup de choses en commun. C’étaient des concentrés de silence et de solitude.

Il se faisait tard. C’était une bonne soirée, je ressentais de l’amitié pour toutes ces personnes, je sentais que mes récits les avaient marquées… J’avais omis de leur dire que cette histoire d’intermédiaire avec l’Espagne n’était pas vraie. Mais j’étais plutôt satisfait de ma vie. Elle se déroulait comme un roman, et mon rêve était séduisant si je lui donnais une chance de porter ses fruits. Dès que la guerre prendrait fin, je retournerais à Hollywood, je me frayerais un chemin jusqu’en haut de la pyramide et je deviendrais le seul acteur dont la célébrité serait justifiée.

On échappe à la vraie tristesse quand on est incapable d’aimer comme il faut.

Pourquoi se soucier du travail ? Des discriminations raciales ? Des libertés civiles et de la lutte des classes ? Je m’en souciais à ma manière, juste assez pour m’en servir comme d’un accessoire de scène, soirée après soirée, toujours à moitié ivre.

J’ai vu le tableau. Vous savez ce que Gres a dit ? « Ce Hayden a un visage très inhabituel. On y voit à la fois beaucoup de force et beaucoup de peur. » C’est peut-être pour cette raison que vous n’avez pas aimé votre tableau.

… je sais à quoi je m’oppose, mais je ne m’enthousiasme pour rien.

Les bureaux des patrons de la MGM sont situés dans le bâtiment funèbre du Thalberg Building (…) Huston sait accueillir ses invités. J’entre dans une immense pièce remplie de gens et de fumée. Ses pieds sont posés sur le bureau. Dès qu’il me voit, il se met debout et fond la foule sans me quitter des yeux. J’ai l’impression que ma simple présence a levé un immense fardeau des épaules de cet homme longiligne. Je suis la seule personne sur terre qu’il désirait voir à quatorze heures précises. Il agite un bras et la pièce se vide immédiatement.
Il appuie sur le bouton de l’interphone et s’adresse à sa secrétaire : « Bloquez tous mes appels. Si c’est Mr. Mayer, dites-lui que je suis parti pour Santa Anita ». Il pose les pieds sur son bureau. « Alors Sterling, comment ça va ?
-       Plutôt bien, John, plutôt bien.
-       Tu sais quoi ? Ça fait longtemps que je t’admire. Ils ne savent pas quoi faire d’un type comme toi dans ce business. Mais on va peut-être y remédier. »
(…)
Je veux continuer, mais je reste bloqué, assis sur le bord du lit. Je sais que je dois lui en dire davantage. J’essaye de parler, mais la douleur me bloque. Je me balance d’avant en arrière, quelque chose est en train de basculer à l’intérieur. Mes yeux commencent à se voiler, mais nous sommes dans un studio, et les types comme moi ne pleurent pas au milieu de la matinée.
Lorsque je lève les yeux vers elle, je la vois qui sourit. Son regard brille d’une manière différente, et c’est tout ce qui compte, alors je me laisse aller et je sens ces foutues larmes couler, toutes chaudes. Ils coupent les projecteurs, les lumières d’appoint s’illuminent doucement.
Je m’empare de mon manteau et me dirige vers la sortie. Je devrais remercier tout le monde, mais je ne pense plus qu’à une seule chose : me barrer d’ici.
Huston me rattrape. Je n’arrive pas à lever les yeux, mais j’entends ce qu’il dit : « La prochaine fois que quelqu’un te dit que tu n’es pas fait pour être acteur, dis-lui d’appeler Huston. »


Cette nuit, j’ai fait une liste des hommes que je connais, et de ce qu’ils retirent de la vie. Pour survivre, chacun doit trouver un moyen de prendre son pied, dans sa vie privée ou professionnelle. Un homme peut fonctionner si l’une des deux lui procure de la satisfaction, très peu réussissent sur tous les tableaux. Ceux que je connais ont soit l’une, soit l’autre. Mais moi, j’ai échoué sur les deux fronts.

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